Les cloches carillonneront joyeusement -- Anne Girault

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Anne Girault -- France


Le dimanche 27 Avril 2014, sur la place Saint Pierre à Rome, les cloches carillonneront joyeusement.

Les bienheureux Jean XXIII et Jean-Paul II seront proclamés saints. Toute l’Eglise jubilera en cette Fête de la Miséricorde: l’Eglise visible sur la Terre et l’Eglise invisible qui est au Ciel. Que signifie, pour l’Église, et en particulier pour les femmes catholiques d’aujourd’hui, la canonisation de ces deux Papes?

Mon témoignage est une action de grâce pour l’œuvre accomplie par les bientôt Saints Jean XXIII et Jean-Paul II, successeurs de Pierre, frères dans l’épiscopat, Papes donnés à l’Eglise du XXème siècle par l’Esprit Saint.

Quels liens entre Jean-Paul II, Jean XXIII et nous les femmes? Il me semble que ces deux hommes ont montré par leurs paroles et leurs actes une grande dévotion envers la Vierge Marie et une attention spéciale aux femmes. Malgré les épreuves et les souffrances, ils ont cherché l’unité et la paix. Leurs personnalités chaleureuses et lumineuses ont rayonné comme une nouvelle aube pour l’Eglise. Jean-Paul II a renouvelé le message de l’Eglise selon le vœu exprimé par Jean XXIII à l’ouverture du Concile Vatican II.

Parlant du Bon Pape Jean, Jean-Paul II déclarait en avril 1981: «Le pape Jean a été un homme d’une merveilleuse simplicité et d’une humilité évangélique(…) Vieillard presque octogénaire, il a manifesté la jeunesse incroyable de l’Église. Un homme passionné de tradition a donné le commencement à une nouvelle vie dans l’Église et dans la chrétienté.»

Puis, lors de l’audience générale du 25 novembre 1981: «La note dominante de son pontificat fut son optimisme (...) Il savait regarder l’avenir avec une espérance inébranlable, il attendait pour l’Église et pour le monde, le fleurissement d’une saison nouvelle (...) une nouvelle Pentecôte (...) une nouvelle Pâque, c’est-à-dire, un grand réveil, la reprise d’un chemin plus courageux.»

Dans son encyclique Pacem in Terris Jean XXIII évoque les droits des femmes: «15-Tout homme a droit à la liberté dans le choix de son état de vie. Il a par conséquent le droit de fonder un foyer, où l’époux et l’épouse interviennent à égalité de droits et de devoirs». « 19-…et, s’il s’agit de femmes, le droit à des conditions de travail en harmonie avec les exigences de leur sexe et leurs devoirs d’épouses et de mères». «41-une seconde constatation s’impose à tout observateur: l’entrée de la femme dans la vie publique, plus rapide peut-être dans les peuples de la civilisation chrétienne (…). De plus en plus consciente de sa dignité humaine, la femme n’admet plus d’être considérée comme un instrument; elle exige qu’on la traite comme une personne aussi bien au foyer que dans la vie publique.»

S’adressant à des femmes catholiques à Rome : «Chères filles vos responsabilités sont grandes dans le monde d’aujourd’hui, qui attend de vous la lumière de votre foi, l’ardeur de votre espérance et le zèle de votre charité….faire passer dans l’humble vie de tous les jours le message de Jésus-Christ, exercer une influence chrétienne dans vos milieux de travail, aider l’information des adultes…affirmer enfin dans les grands organismes internationaux l’enseignement de l’Eglise, c’est là un programme de rénovation spirituelle bien digne de vos énergies et capable avec la grâce de Dieu de changer la face d’un monde que vous recouvrez du réseau serré de vos amitiés agissantes. Courage…» 3 Mai 1961, Congrès de l’Union Mondiale des Organisations Féminines Catholiques.

L’influence de Vatican II apparaît clairement au début de « Mulieris Dignitatem », lettre apostolique écrite par Jean-Paul II à l’occasion de l’année mariale en 1988 sur la dignité et la vocation  de la femme. Le Saint-Père reprend la splendide phrase du Message final du Concile : « L'heure vient, l'heure est venue où la vocation de la femme s'accomplit en plénitude, l'heure où la femme acquiert dans la cité une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais atteints jusqu'ici. C'est pourquoi, en ce moment où l'humanité connaît une si profonde mutation, les femmes imprégnées de l'esprit de l'Evangile peuvent tant pour aider l'humanité à ne pas déchoir». Dans cette encyclique Jean-Paul II jette les bases d’une véritable « théologie de la femme » qui confie l’humanité à la femme.

La femme a un rôle spécifique dans la communion de l’amour, car elle sait, par l’intelligence de son corps, qu’elle doit recevoir avant de donner. La femme reçoit le don de l’homme, avant de donner la vie à un autre homme. Elle reconnaît que l’amour est un don qui se reçoit pour être donné, et que la source ne vient pas d’elle mais de l’autre.

La femme est ensuite le témoin privilégié du mystère de la vie qui se développe en elle, elle collabore à ce mystère, communique avec son enfant et s’épanouit dans cette relation maternelle. Elle sait que la vie qui grandit en son sein la dépasse mais pourtant lui est confiée. Elle est témoin et gardienne de l’invisible. Dieu lui confie l’humanité.

Vis-à-vis de l’homme, la femme a également un rôle à jouer, elle aide l’homme à prendre conscience du don de Dieu. L’homme comprend grâce à la femme que la vie doit être reçue, entretenue, donnée et que l’on est responsable de ceux  qu’on aime. L’homme a besoin de la femme pour apprendre que l’amour donne la vie et que l’amour est un échange trinitaire.

Ainsi l’homme et la femme ont besoin l’un de l’autre mais de manière différente et aucun des deux ne peut être supérieur à l’autre. Ils sont faits l’un pour l’autre et s’accomplissent mutuellement dans le don réciproque d’eux-mêmes, pour la gloire de Dieu.

Dans son discours fondateur à l’UNESCO, à Paris en 1980, Jean-Paul II a donné les clefs de sa vision universelle de la personne humaine et souligné les liens entre la paix et la reconnaissance de l’identité intégrale de la personne.

Le Saint-Père a demandé la mobilisation de toutes « les forces qui orientent la dimension spirituelle de l’existence humaine, qui témoignent du primat du spirituel dans l’homme ― de ce qui correspond à la dignité de son intelligence, de sa volonté et de son cœur ― pour ne pas succomber de nouveau à la monstrueuse aliénation du mal collectif qui est toujours prêt à utiliser les puissances matérielles dans la lutte exterminatrice des hommes contre les hommes. »

Il a rappelé que la culture, « système authentiquement humain, synthèse splendide de l’esprit et du corps » est fondée sur l’homme intégral, unique et indivisible et qu’elle a la personne humaine pour unique objet. En outre : La « culture est ce par quoi l’homme en tant qu’homme devient davantage homme, « est » davantage, accède davantage à l’« être ». C’est là aussi que se fonde la distinction capitale entre ce que l’homme est et ce qu’il a, entre l’être et l’avoir. La culture se situe toujours en relation essentielle et nécessaire à ce qu’est l’homme, tandis que sa relation à ce qu’il a, à son « avoir », est non seulement secondaire, mais entièrement relative. »

Ces paroles sont essentielles pour saisir comment la femme peut contribuer à une meilleure compréhension de la personne humaine dans la société. La femme est naturellement tournée vers l’être plus que vers l’avoir. La femme témoigne par expérience de ce qui n’est pas d’ordre économique mais d’ordre de la relation, de l’attention à l’autre, de la qualité des échanges plus que de leur quantité, de la communion entre les êtres et surtout de la gratuité et de la fécondité du don.

Dans mon travail à l’UNESCO et au Conseil de l’Europe comme représentante de l’Union Mondiale des Organisations Féminines Catholiques les paroles de Jean-Paul II m’aident à rester dans l’espérance et sont une source d’inspiration.

Chaque mercredi, pendant les premières années de son pontificat, Jean Paul II nous offrit une catéchèse sur la Genèse et l’amour sponsal. J’ai écouté ses enseignements et j’ai pris conscience alors avec émerveillement de la signification de mon corps sexué et comment l’homme et la femme étaient faits l’un pour l’autre. Je découvris que leur relation était aussi à l’image de Dieu, que Dieu avait voulu cette complémentarité.

Alors qu’après le péché, Adam et Eve sont séparés, refusent de reconnaître leur faute, accusent l’autre, ne sont plus dans la communion, Jean-Paul II nous invite à retrouver cette relation par la réconciliation et le dialogue confiant entre nous et avec Dieu.

Dieu continue à nous chercher dans le jardin et nous nous cachons. Les premières paroles de Jean Paul II, après son élection, furent: «N’ayez pas peur»! Ce qui peut être interprété comme un écho de la Genèse: n’ayez pas peur de Dieu !

Par ses enseignements, Jean-Paul II a renouvelé et fait croître la signification immuable du couple homme femme. La femme retrouve son entière dignité dans la sexualité.

Jean-Paul II, un homme, célibataire, et, qui plus est, religieux, sut trouver les mots justes pour parler aux femmes de leur féminité et de leur humanité blessée. Comme Jésus avec la Samaritaine, sa parole, nous a rejoint, nous a restauré dans la vérité de notre être profond et nous a lancé en avant. Duc in altum!

Jean-Paul II a véritablement posé les fondations d’un grand chantier pour retrouver l’intelligence du corps créé par Dieu, homme et femme, il nous a donné tous les matériaux et nous avons à bâtir les étages.

Jean Paul II utilisait une formule percutante. Il disait que le christianisme était la seule religion du corps. Le Christ, incarné dans un corps d’homme, a voulu être formé dans le sein d’une femme comme tous les hommes. Dieu est venu nous chercher lui-même. Il est ressuscité avec son corps et a voulu que sa mère ne connaisse pas la corruption. Il y a donc deux personnes au Ciel qui sont déjà ressuscitées avec leur corps: Jésus et sa mère. Un homme, une femme.

Jean Paul II rédigea une «Lettre aux femmes» avant la Conférence de l’ONU sur les droits de la femme à Pékin en 1995. Cette lettre était adressée personnellement à chaque femme du monde entier. Son expression-phare «le génie de la femme» eut un grand retentissement.

Dans sa «Lettre aux femmes»  Jean-Paul II voulu initier un dialogue avec nous. La lettre ressemble à une conversation spontanée et directe puis évolue vers une méditation plus intime sur la création de l’homme et de la femme pour se terminer par une exhortation confiante et pleine d’espérance. Le Saint-Père commence par nous dire merci pour notre contribution d’épouse, de mère, de fille, de travailleuse, de consacrée et merci «tout simplement pour le fait d’être femme.»

Puis le Saint-Père reconnaît les difficultés des femmes à être reconnues à leur juste valeur, leur subordination et même leur réduction en esclavage, les violences et les discriminations dont elles font l’objet et regrette la responsabilité de certains membres de l’Eglise dans ce contexte.

Manifestant son admiration pour les femmes qui ont lutté pour leurs droits, et surtout pour celles qui ont accepté de transmettre la vie dans des conditions difficiles, Jean-Paul II nous  rappelle que le Christ «eut à l'égard des femmes une attitude d'ouverture, de respect, d'accueil, de tendressedépassant les normes de son temps.»

Cependant le Saint Père nous avertit que l’identité de la femme doit s’accomplir dans la «promotion» de tous les domaines de la vie féminine, en partant d'une «prise de conscience renouvelée et universelle de la dignité de la femme» et non pas dans la dénonciation et le rejet de notre identité propre.

Dans son dernier livre, «Mémoire et Identité» Jean-Paul II revient sur les paroles de l’Evangile «elle gardait tout cela en son cœur» et explique que la mère de Dieu «ouvre la marche parce qu’elle est la mémoire la plus fidèle, ou mieux, parce que sa mémoire est le plus fidèle reflet du mystère de Dieu, transmis en elle à l’Eglise et par elle à l’humanité» (page 179). «L’Eglise est une mère qui, à la ressemblance de Marie, garde dans son cœur l’histoire de ses enfants, faisant siens tous les problèmes qui leur sont naturels» (page 180).

«De même, la loi s’appuie sur la vérité de l’être: la vérité de Dieu, la vérité de l’homme, la vérité de la réalité créée elle-même dans son ensemble. Cette vérité est la base de la loi naturelle. Le législateur lui ajoute l’acte de promulgation» (page 162). «Quand un parlement autorise l’interruption de grossesse… il commet une grave violence à l’égard d’un être humain innocent… Les parlements qui approuvent et promulguent de telles lois doivent être conscients qu’ils outrepassent leurs compétences…» (page 163). Les Etats qui s’arrogent le droit d’ingérence dans la nature humaine deviennent tôt ou tard inhumains.

En ce sens l’Eglise a une mission maternelle; elle révèle à l’homme sa nature et elle est la mémoire de son humanité. Et la femme catholique est donc invitée à faire mémoire de la Création toute entière pour transmettre le Christ aux hommes, génération après génération.

Poursuivant son dialogue avec les femmes, le Saint-Père, affaibli par la maladie, vient à Lourdes, en 2004, au sanctuaire où Marie révéla sa conception immaculée à une petite fille innocente, et lance un appel: «A vous, les femmes, il revient d’être les sentinelles de l’invisible» qui a résonné dans le cœur et l’intelligence de nombreuses femmes.

Avec quelques amies nous avons alors fondé l’association «Femina Europa» pour répondre à cet appel angoissé et confiant à la fois. Notre objectif est de veiller à la promotion de l’identité intégrale de la femme, en complémentarité réciproque avec les hommes, auprès des institutions internationales et de rappeler que la vie est un don gratuit et précieux.

En tant que femmes catholiques nous témoignons de ce que la femme doit à l’Eglise pour la reconnaissance de sa dignité et de ses droits. Nous veillons sur le droit à la vie, la maternité, la complémentarité entre l’homme et la femme, comme sur des biens inaliénables et intrinsèques à la nature humaine qui ne peuvent être remis en cause par les pouvoirs politiques.

Enfin comment passer sous silence la fête de la Miséricorde instituée par Jean-Paul II, à la demande de Jésus lui-même, par l’intermédiaire de Sœur Faustine? N’est-ce pas le meilleur exemple de la collaboration entre la femme et l’homme? Le Pape a reconnu la parole d’une femme et il a fait progresser ainsi la vie spirituelle de l’Eglise selon la volonté de Dieu. Le témoignage de sœur Faustine à propos de la divine Miséricorde s’insère dans la perspective universelle de la lutte contre le mal par le bien. Il rejoint la Femme de l’Apocalypse et le déchaînement des idéologies mortifères du XXème siècle.

«Il est significatif que sœur Faustine ait vu le Fils comme Dieu miséricordieux le contemplant cependant non pas tant sur la croix que dans sa condition ultérieure de ressuscité dans la gloire. C’est pourquoi elle a relié sa mystique de la miséricorde au mystère de Pâques, où le Christ se présente victorieux du péché et de la mort.» Mémoire et identité (page 70).

Avant de conclure, j’aimerais ajouter deux souvenirs personnels sur Jean XXIII et Jean-Paul II.

J’étais une petite fille au moment de la mort de Jean XXIII mais je me rappelle parfaitement l’annonce de son agonie et sa mort. En voyant l’émotion de mes parents, j’ai pris conscience que j’appartenais à un peuple, que ce peuple avait un père et que nous étions tous frères. Je me rappelle les prières que l’on disait pour lui en famille. C’était naturel de nous unir à ses souffrances. La réaction de mes parents m’a fait saisir la réalité de la communion spirituelle entre les chrétiens et est restée gravée en moi.

Trente-sept ans plus tard, j’étais à Rome avec mon mari et mes enfants pour le jubilé de l’an 2000. Nous avons eu la surprise d’être reçus par Jean-Paul II en audience privée, nous étions si peu préparés que je n’avais pas de robe et mon mari pas de cravate! Jean-Paul II a pris notre fille Thérèse dans les bras et l’a embrassée. Il avait encore beaucoup de force malgré les apparences. Pourtant quand je l’ai vu entrer dans la salle Clémentine, tout courbé et tordu, défiguré, lui qui avait été si beau, j’ai immédiatement eu l’image du Christ portant sa Croix se superposer et j’ai compris que nous avions devant nous un autre Christ, qui souffrait pour nous, j’étais si bouleversée que je n’ai pas pu dire un mot au Saint Père mais je prévois de me rattraper au Paradis ! 

Le Très Saint Pape Jean-Paul II était un homme de prière et conseillait de s’adresser à Dieu avec des mots simples: Merci Pardon et je t’aime. A la réflexion je pense que le Saint Père s’est adressé à chacune d’entre nous, les femmes, avec ces trois mots: «merci, pardon et je t’aime» et je lui dis à mon tour: Très Saint Père, qui m’avez enseigné le dessein d’amour du Père Créateur sur nous, qui m’avez montré par votre vie, configurée au Christ, le sens de l’incarnation de Jésus et de sa venue parmi nous, qui m’avez révélé la merveilleuse vocation de la femme, gardienne de la vie, gardienne de l’invisible, sous l’impulsion joyeuse du Saint-Esprit, je vous dis à mon tour: « Merci, pardon et je t’aime».

Anne Girault

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